Tous nos malheurs viennent de ce que nous ne savons pas ce que nous sommes et ne pouvons nous mettre d’accord sur ce que nous voulons être.Vercors

(dernière mise à jour le 15 Septembre 2016.)

Cet article reste le quatrième le plus lu de notre site depuis sa création, et a suscité des discussions publiques intéressantes. Les dernières ont confirmé qu’il n’existe pas de consensus face à cette question, et que Vercors continue à avoir raison 60 ans plus tard. 

Je le mets donc à jour pour continuer le débat.

Nos institutions (démocratie, république, état de droit, séparation des pouvoirs, bicaméralisme, suffrage universel…) ont été mises en forme entre le 17e et 18e siècle sur des hypothèses fausses, quant à ce que nous sommes. 

Ces hypothèses sont :

  • L’être humain est vieux de sept mille ans (La Bruyère), figé, immuable. Faux. C’est en 1846 que Jacques Boucher de Perthes a osé dire que l’homme avait au moins cinquante mille ans. L’Homo Sapiens Sapiens a au moins cent cinquante mille ans, peut-être plus, et il continue à évoluer sensiblement. Le jeune Français de 2014 a des priorités, des interdits et une sensibilité toutes autres que celles d’un jeune de même âge en 1914. Et il est plus grand d’environ dix centimètres.
  • Il est naturellement bon, et doué de raison, donc capable de poursuivre son intérêt propre dans un esprit rationnel. Le Peuple est guidé par le sens commun, la bonne volonté et la bonne foi, donc l’opinion de sa majorité est sage. Les pays d’influence protestante ajoutaient : Est bon ce qui est reconnu comme utile par cette majorité (John Stuart Mills.) La dignité humaine, concept très subjectif, n’est pas utile, mais chaque individu libre saura préserver la sienne telle qu’il la conçoit. Donc la liberté prime. Faux. Les exemples vécus, depuis deux siècles, de comportements totalement irrationnels, se traduisant par des explosions de haine et de violence, confinant parfois à la folie collective, voire à des tentatives de génocides, et notre capacité d’indifférence en présence du malheur et de la souffrance, et d’aveuglement face à des dangers planétaires, le montrent.
  • L’univers est un tout stable, sans évolution. Il a été créé d’un seul coup et ne changera plus. Faux. Il n’a pas toujours existé. Depuis environ 13,7 milliards d’années qu’il existe, il évolue tout le temps – aujourd’hui on dit plutôt qu’il continue à exploser et que nous chevauchons une comète – et notre planète avec. Rien que dans les derniers cinquante millénaires, elle a connu des mouvements de continents, des séismes, des bombardements d’astéroïdes, des invasions de la mer, des longues vagues de froid et de chaleur. La seule permanence est celle du changement lui-même. L’humanité a à peine commencé à perturber la planète, et déjà bonjour les dégâts.
  • Cet univers a évidemment été créé par Dieu, dont l’existence n’est pas contestable sauf pour les esprits forts. ??? On doit reconnaître que l’annonce que Nietzsche avait faite de la mort de Dieu était prématurée (c’est la mort de Nietzsche qui serait plus évidente) : plus de la moitié de l’humanité dit appartenir à une des religions du Livre. Mais il était faux et dangereux de dire que l’existence de Dieu était évidente.  Car si elle est évidente, que devait-on faire des ‘demeurés’, des ‘asociaux’, des ‘possédés’, des ‘hérétiques’ qui  la nient ? Des cendres ? Du savon ?
  • L’être humain est distinct de la nature, n’en fait pas partie, et est destiné à la dominer. Il est la mesure du monde. Faux. Chaque nouvelle découverte sur le comportement et l’intelligence animale met un peu plus en question cette vision anthropocentrique.
  • L’être humain est un animal se distinguant du monde animal en ce qu’il travaille pour ses semblables et échange les produits des travaux de chacun. (Homo Laborens. Karl Marx) Faux. Homo Sapiens est vieux d’au moins mille siècles et n’a commencé à échanger le produit du travail que depuis environ cinquante siècles. Il lui fallait d’abord engager la révolution du Néolithique avant d’avoir des marchandises à échanger.
  • Il y a trois siècles, la méthode expérimentale balbutie (Newton, Lavoisier). La vérité, pense t-on, sort du raisonnement juste sur des concepts clairs (Descartes, Kant, Spinoza). Il faut se méfier de la réalité (Platon). Faux. Aujourd’hui une science dont les conclusions ne sont pas confirmées par l’expérience (épistémologie: savoir pourquoi on sait qu’on sait ce qu’on sait) n’est pas considérée comme une science. Ainsi l’économie est sans doute une discipline, mais ce n’est pas du tout une science au sens épistémologique, voir https://docs.google.com/document/d/1sih0ts1DaTewzlrPSBa6a5k7-yfCOXKlCQdRD6TcTKE/edit?usp=sharing. Cela se voit d’ailleurs au fait que les économistes parlent avec la science infuse d’un médecin de Molière et ne sont pas d’accord, alors que les médecins d’aujourd’hui pratiquent avec grande modestie une science véritable, mais dont ils savent qu’elle n’est pas exacte, et ils sont facilement d’accord. L’économie, enfin, ne peut pas être une science parce que son objet d’études, qui est l’être humain en action (dixit Ludwig von Mises), sait changer intelligemment son comportement pour déjouer toutes les lois de la dite économie dès qu’on applique l’une d’elles sur le terrain.
  • Les antagonismes sont inévitables et leur résolution doit être normalisée: Il faut des contre-pouvoirs, la séparation des pouvoirs, la libre concurrence qui doit être « parfaite », des examens et concours pour sélectionner les « meilleurs »…  ???    Était-ce une si bonne idée de faire de la gestion du conflit une indispensable coutume procédurière, au lieu de rechercher plus avant comment gérer la recherche du consensus d’abord ?

Nos institutions out été conçues pour un être humain qui n’a jamais existé !

Serait-il temps de les remettre à plat ?

C’est pourquoi nous avons lancé en 2011 un débat pour tenter de proposer une définition de l ‘être humain tel qu’il existe aujourd’hui. Nous continuons à mettre à jour ce présent document au fur et à mesure de nos réflexions. Votre avis est le bienvenu!

Nous posons comme évidente la définition scientifique de l’être humain : C’est un être vivant, un animal, un vertébré, un mammifère, un primate[1], dont l’espèce la plus proche au plan génétique est le singe anthropoïde (dans l’ordre de proximité de codes ADN : Bonobo, Chimpanzé, Orang-outan, Atèle, Gorille).

Ceci posé, il est depuis Février 2014 proposé de considérer dans nos travaux trois définitions complémentaires de l’être humain. 

Trois, et non plus deux (mais vous en proposerez peut-être une quatrième?), parce qu’il n’y a que les sots que ne remettent pas en question leurs positions :

  • L’être humain au sens scientifique plus précis, Homo Sapiens Sapiens, c’est à dire le primate parvenu à la station verticale parfaite, au crane en équilibre sur la colonne vertébrale, et à la pratique du langage complexe et transmissible par l’écrit. Les anthropologues savent très bien le définir : l’équilibre du crane sur la colonne vertébrale est possible grâce à la longue voûte plantaire deux fois courbée (avec atrophie des orteils, au point de pouvoir se tenir sur la pointe des pieds), au muscle fessier, et aussi au déplacement du Cortex en avant du crane, qui explique que le visage humain présente un front que n’a aucun autre primate.
  • L’être humain au sens humaniste, c’est à dire celui qui est ‘capable d’humanité’. Pour en être capable, il progresse de lui-même s’il le décide (car il en a le choix, qu’il est libre d’utiliser ou pas), en avançant comme il peut, pour le mieux, et quand il a le temps, vers plus de vérité, donc accroissement des connaissances, mais aussi s’interdire le mensonge; de justice, donc invention du concept de droit, mais aussi combattre la spoliation, l’abus de pouvoir, le vol, le viol, la corruption…; plus d’empathie, donc capable de concevoir les institutions de la solidarité, mais aussi choisir de lui-même un comportement plus solidaire et plus charitable, une attitude plus miséricordieuse; refusant l’indifférence à la condition de l’autre qui demande de l’aide ou qui a besoin d’assistance, donc refus du mépris; et se convaincant en fin de compte que la dignité humaine n’est pas négociable, donc à l’extrême plus de compassion. Mais attention: Des naturalistes comme Frans de Waal affirment que les concepts de justice et d’empathie sont perçus et pratiqués par certaines espèces animales, évidemment plus évoluées que les mollusques. De toute façon, il progresse extrêmement lentement vers plus ou moins d’humanité.
  • Peut-être donc que la qualité d’humanité définie par les humanistes, qui est pratiquée de toute façon par seulement une petite minorité d’êtres humains, n’est pas tout à fait spécifique à l’Homo Sapiens… Pour autant, il semble certain que l’être humain est le seul animal qui connaisse des ennuis d’argent, et le seul primate qui peut ne rien comprendre au métier de son enfant (Pensez à un boulanger dont la fille serait astrophysicienne.)
  • Enfin, l’Être Humain tel qu’il a été défini historiquement, en pratique, faute de mieux, sans opposition formelle et organisée : L’être humain est celui qui est accepté, ou si vous préférez coopté, par la grande majorité de l’Humanité. Ainsi au 18e siècle, le noir africain, tasmanien ou mélanésien, l’aborigène australien, et beaucoup d’autres, n’étaient pas reconnus comme humains.
  • On pouvait en faire des esclaves, ou des proies.
  • On pouvait les chasser d’un territoire. 
  • On pouvait les rouler dans la farine avec des contrats qu’ils ne comprenaient pas. 

Et cette volonté de cooptation a très lentement progressé, mais reste un triste objet de controverse qu’on entend s’exprimer par exemple quand on juge que les Roms sont inassimilables ou quand on compare une femme politique à une guenon. 

Cette cooptation reste influencée par un archétype qui nourrit nos préjugés : Celui de l’Homme élu pour conquérir, diriger, exploiter et parfois détruire le Monde Vivant, auquel appartiennent toutes les espèces animales qui ne sont pas élues comme humaines (élues… ou même désignées par un droit divin,) y compris tous les hominiens a qui on refuse la qualité d’humanité.


Nous, Comité Bastille, posons comme axiomes que :

  • Seule la république laïque peut encourager cette capacité d’humanité et décourager les pulsions tribales, et ceci chez un individu de quelque culture que ce soit ; tout en sachant que cette culture, qui est en partie portée par un inconscient collectif, peut constituer une barrière très dure et violente à l’évolution vers plus d’humanité. Cette barrière, cependant, est plus faible, voire parfois nulle chez la femme, et encore nulle chez l’enfant jusqu’à 3 ou 4 ans. Se souvenir de la promesse de l’enseignement jésuite: Confiez nous un enfant entre les âges de trois et sept ans, et nous en ferons un catholique pour la vie. Si on en faisait un républicain laïc pour la vie, libre de choisir sa foi, ou son refus de foi, et libre de changer d’avis?
  • Seule la république laïque peut encourager le respect du règne vivant tout entier, comme le posait Claude Lévi-Strauss, et soutenir que la qualité d’humanité ne soit jamais réduite à une division chirurgicale cruelle et arbitraire entre l’Humain considéré comme hors de, et au dessus de la Vie, et tout le reste. Tout le reste, et la planète avec, bien sur !
  • La qualité d’humanité s’acquiert individuellement, de par le choix personnel et l’initiative individuelle. Elle n’est donc observée pleinement que chez une toute petite minorité d’individus. 

Tous les autres individus font, consciemment ou plus souvent inconsciemment, un autre choix: 

  • Ils cherchent les réponses toutes faites, l’avis de la foule, la formule politiquement correcte, la réponse officielle, au lieu de la vérité. 
  • Ils s’en tiennent à l’avis de la majorité, à la coutume et à la jurisprudence pour trouver ce qui est juste. 
  • Ils se donnent bonne conscience en pratiquant un peu de charité, mais concluent hâtivement que ceux qui sont dans le malheur sont les perdants qui n’ont que ce qu’ils méritent. 
  • Ils cultivent les malentendus et les préjugés pour se donner raison, ou bonne conscience. 
  • Ils aiment le jugement a priori et les procès d’intention qui permettent d’arriver vite à l’accord de la majorité pour désigner et condamner un bouc émissaire, ou pour ridiculiser l’opinion de celui qui soutient courageusement une opinion novatrice, ou simplement mettre la minorité en position de faiblesse dans un débat, tout en se parant de la qualité dite ‘démocratique’ de ce débat.

Nous Comité Bastille proposons une réforme fiscale qui encourage l’être humain tel qu’il est à progresser vers plus de satisfaction dans sa vie (de rêve, d’espoir, de sens de la vie, de dignité, de maîtrise de sa sécurité).


[1] Primate: Mammifère dont les caractéristiques uniques sont la possibilité de se tenir sur les deux pattes arrières ou jambes; de faire tourner le bras a 360 degrés autour de l’épaule ; de faire tourner le poignet de 180 degrés autour du bras étendu ; d’opposer le pouce aux quatre autres doigts de la main, permettant la saisie d’un objet ; aussi la vision parfaitement  binoculaire qui permet la sensation optimale du relief et de la distance. Chez les hominiens les plus évolués la forme de plus en plus concave de l’os hioïque permet le développement du larynx donc le perfectionnement du langage…

Auteur/autrice

  • André Teissier du Cros - AEQUITAE

    Ingénieur-Docteur SupMéca (1958-63). Depuis 1972 dirige un cabinet de stratégie de l’entreprise et dirigeant intérimaire de 3 entreprises aux USA et au Canada. Acteur de soixante rapprochements d’entreprises entre l’Amérique du Nord, l’Europe, le Japon, la Chine, l’Inde, le Moyen-Orient… ; Journaliste économique (1965-71). Ouvrages : Le Courage de Diriger (Robert Laffont, 1969), L’Innovation (Robert Laffont, 1971), Recherche d’Activités et Produits nouveaux (Prix IAE du Management, 1977) ; L’Innovation Malade de l’Impôt (Eyrolles-Ed. d’Organisation, 1980); traducteur-éditeur de The Fifth Rung on Jacob’s Ladder, (Jacques Caubet, Xulon Press, USA 2004). La France, le Bébé et l’Eau du Bain (L’Harmattan 2010). La Taxe sur l’Actif Net ou Impôt Progressif sur le Patrimoine Dormant (L’Harmattan 2016) et nombreux articles et conférences ; Rapporteur du comité ‘Innovation industrielle’ dans la Commission CNPF pour le Développement Industriel, présidée par François Dalle, (1979-81), dont le rapport avait été demandé par Raymond Barre, alors Premier Ministre ; Rapporteur, Commission Nationale pour l’Innovation nommée par G. Pompidou (Commission Barthalon, 1967-71) ; Président (1988-2001) d’une section USA des Conseillers du Commerce Extérieur de la France ; Président Commission Marketing, puis Président, de l’Alliance Française d’Atlanta (2004-2009) ; Président-fondateur du Comité Bastille en 2006 ; Enseignant Georgia Institute of Technology Evaluation Compétitivité Stratégique des Industries Manufacturières (1994-2001) ; Pilote privé FAA (ASEL-IFR) ; Membre (fauteuil 26) de l’Académie des Hauts Cantons

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