L’Impôt Progressif sur le Patrimoine (IPP) maîtrisera l’Inflation en finançant la transition verte avec l’excès de masse monétaire.

Il n’est jamais trop tard pour bien faire. Cependant, notre pays et d’autres approchent toujours plus dangereusement de l’impasse budgétaire – voir Marianne du 3-9 novembre 2022 : Combien de Temps ça va Tenir ? – Notre proposition de réforme fiscale, appelée impôt progressif sur le patrimoine ou IPP, doit être mise en place. C’est possible, et cela lancerait d’un coup un signal positif non seulement aux partenaires sociaux, mais aussi à la Banque centrale européenne (BCE), au Fonds monétaire international (FMI) et aux institutions financières. Et cela tout en entamant un scénario économique qui aurait tout de suite des conséquences visibles et positives.

Voici comment.

L’inflation a été réveillée par la Covid, les tensions en approvisionnements venus d’Asie, et la guerre. Profitant du contexte, les méga-entreprises cotées en bourse ont augmenté leurs prix artificiellement bien au-delà de ce que la situation justifiait. Le marché boursier a pratiqué une anticipation irréaliste des valeurs de capitalisation. Pour autant le vent tourne, à l’image de la récente chute brutale de la valeur des GAFAMs, et par le Ratio Coût/Bénéfice de Tesla qui a dégringolé, depuis début 2021 jusqu’à novembre 2022 de 668 à 66 !

Rappelons que le Projet IPP consiste à imposer progressivement le patrimoine net (avoirs moins dettes) et à diminuer en même temps l’imposition des revenus, créant d’abord un contexte favorisant l’investissement à long terme, puis la mobilisation de l’épargne privée à investir dans la transition verte directement en Fonds Permanents, donc sans passer par la bourse.

L’inflation est un excès de liquidités devenu disponible parce que les investisseurs ne lui trouvent un emploi ni dans des investissements, ni dans de nouveaux emplois ; et souvent les deux ensemble.

L’inflation serait vivable si les salaires augmentaient autant ou plus vite qu’elle, comme dans les années 70. Mais les taux d’intérêts, augmentés par les banques centrales pour la maitriser, sont aussi surindexés sur l’inflation pour maintenir coûte que coûte la rémunération des actionnaires et services financiers. La même règle, en simple équité, devrait s’appliquer au salariat. Si cela l’était, la valeur ajoutée créée serait comme il y a 50 ans répartie à 25 % pour le capital et 75 % pour le salariat. 50 ans de dérégulation nous ont amenés en 2022 à une répartition de 40 % pour le capital et 60 % pour le salariat.

Ce sera inflationniste, diront les néolibéraux ? Eh bien non, cela ne le sera pas si on réinjecte, sur les 2 500 Mrd EUR du Produit Intérieur Brut (PIB) de 2021, 375 Mrd EUR dans la rémunération des ménages (les 15 % de la valeur ajoutée en trop captée par le capital), dont 275 relanceront leur consommation tandis que le modèle IPP les motivera à financer à hauteur de 100 Mrd EUR/an des objectifs d’investissements verts maintenant incontournables : transition climatique, écologique et énergétique, circuits courts, donc réemplois…

Pour rassurer le FMI, nous ne ferons pas comme Liz Truss, la malheureuse Première ministre du Royaume-Uni pendant 44 jours seulement. Nous montrerons qu’on absorbe ces liquidités actuellement stagnantes – environ 2 000 Mrd EUR en comptes courants en et instruments liquides en ce moment en France – en créant des emplois autrement que par la consommation pure, et en remplaçant la dette étrangère toxique par de la dette interne. Ce seront de bons investissements parce qu’on créera des emplois induits par une création, en France même, d’actifs verts productifs ; et on calmera la capitalisation virtuelle et artificielle surestimée par le marché, que l’IPP va maintenant taxer. Donc les cours de bourse se corrigeront et tendront vers une représentation du réel.

Vu l’urgence, le Projet IPP pourra être complété soit par un impôt complémentaire exceptionnel sur la fortune, soit par un emprunt forcé.

L’imposition du patrimoine net est la garantie du juste prix du marché. Surévaluer et spéculer sur ces biens entrainera irrémédiablement une augmentation d’impôts. Il faudra donc, pour maximiser ces profits projetés, valoriser par une gestion compétitive du bien pendant sa possession et non pas lors de l’achat/vente, en visant une valeur raisonnable et objective du bien suggérée par les ratios coûts/bénéfices normaux, soit de 15 à 30 %.

Moins d’impôt sur les revenus (IRPP, CSG-CRDS, IS…) : il y aura donc création de ressources pour tous et notamment pour les classes moyennes, ce qui facilitera l’accès au logement neuf économique et écologique.

Le prix du logement va baisser du fait des constructions bon marché d’habitats conçus au départ comme neutres en énergie, qui trouveront maintenant des financements. La consommation nationale d’énergie baissera du fait d’abord des investissements en économies d’énergie, ensuite en stockage d’énergie, enfin en génération d’énergie verte. Cela libèrera aussi des mégawattheures (MWh) pour l’exportation ou pour la substitution aux MWh importés : l’inflation par coût de l’énergie baissera. La rénovation des logements existants sera enfin financée pour qu’ils soient économes en énergie. Ce qui diminuera encore la demande nationale d’énergie.

En outre, comme le Projet IPP favorise les donations avant hoirie pour réduire l’IPP supporté par les parents propriétaires, il facilitera les investissements de rénovation plus tôt par la génération suivante, qui accèdera déjà à la nue-propriété.

Les classes moyennes jeunes seront favorisées : création d’entreprises, monnaie en circulation investie au lieu d’être consommée.

Comme l’excès d’épargne liquide qui dort va s’investir, il y aura moins de monnaie en circulation, donc moins d’inflation, plus d’actifs réels et de création de richesse productive donc réelle qui absorberont des liquidités au lieu de les laisser circuler.

Et si on diminue la création de masse monétaire en utilisant et en répartissant mieux celle qui existe déjà, on réduira la poussée inflationniste à la source.

Tous ces investissements seront l’occasion de transférer les dettes en cours par emprunts auprès des Français (modèle japonais) au lieu d’emprunts auprès d’institutions étrangères qui vont être de plus en plus chers en intérêts. Le FMI sera d’accord d’autant plus que la nouvelle dette sera compensée par une création d’actifs réels.

Enfin, la création dans un pays du poids de la France, membre de l’UE, d’un impôt sur le patrimoine net important, progressif et destiné à augmenter, qui remplacera les impôts sur tous revenus, marquera le début de la victoire face aux paradis fiscaux. En effet toute vérification fiscale est jusqu’à présent limitée par la prescription (Statute of Limitations) de la fraude à l’IR (2 à 5 ans suivant les pays, 3 ans en France). Une fraude à l’IPP, elle, est répétée chaque année dans chaque déclaration fiscale (bilan) du contribuable. On peut alors légiférer que la faute répétée sera frappée de peine d’autant plus sévère que son origine est ancienne (prison, confiscation des biens…), rendant l’optimisation fiscale obsolète, surtout si la complicité des intermédiaires entraîne les mêmes peines. L’évasion fiscale deviendra alors très dangereuse pour ses bénéficiaires et ses facilitateurs.

André Teissier du Cros
Clément Carrue