Monsieur le Président du Mouvement En Marche !

Vous avez déjà réussi un tour de force, en sortant gagnant du premier tour des Présidentielles alors que vous n’aviez aucun parti derrière vous et étiez pour les Français un illustre inconnu jusqu’en 2014. Vous avez déjà fait l’histoire. Bravo.

Vous avez maintenant jusqu’au 7 Mai pour convaincre les Français que vous n’êtes pas l’homme de la Financiarisation.

Ce qui vous est facile, parce que vous en connaissez les moteurs au sein de l’Etat, comme au sein de l’industrie bancaire.

Nous restons un des grands et vieux pays qui pratiquent la Libre Entreprise, donc qui refuse comme toute l’Union Européenne l’économie impérativement dirigée, laquelle est le fondement d’un régime totalitaire.

Mais nous sommes aussi un des quelques pays libres ou l’Etat, et la dépense publique, pèsent très lourd sur l’économie[1]. On peut s’en féliciter. On peut violemment le critiquer. Mais c’est un régime qui ne peut changer que très lentement, que ce soit vers plus de liberté ou vers plus d’Etat.

Cependant, le poids même de l’Etat lui permet de peser sur les pratiques généralement acceptées de la gestion de l’entreprise, surtout celle qui est cotée en bourse, par la fiscalité, par l’intervention directe dans celles ou l’Etat est actionnaire, par les conditions auxquelles les entreprises cotées peuvent ou ne peuvent pas participer aux marchés de l’Etat.

Combattre la financiarisation, cela pourrait se faire, par exemple, par les décisions suivantes, qui peuvent être vite légiférées. 

Les entreprises cotées participant aux marchés de services et d’investissements publics et sollicitant l’accès aux financements de l’Etat, devront désormais s’engager publiquement et formellement à :

  1. Ne jamais racheter leurs propres actions (buyback),
  2. Ne jamais rémunérer leurs dirigeants et cadres par stock-options et parachutes dorés,[2]
  3. S’imposer un écart des salaires, pour leurs salariés propres, ne dépassant pas un multiple de 20 entre le plus bas et le plus haut salaire, toutes rémunérations confondues (primes, bonus…)[3],
  4. S’interdire, et interdire à leurs filiales, de faire transiter par un paradis fiscal un flux quelconque de leurs chiffres d’affaires ou de leurs achats.

A ceci, bien entendu, vous pourriez ajouter que la fiscalité française dans son ensemble va commencer à suivre les exemples de la Hollande, de la Norvège et de la Suisse, et évoluer vers la diminution de l’Impôt sur le Revenu et l’augmentation en compensation de l’Impôt sur le Patrimoine, comme nous le proposons depuis dix ans.

Mais cela n’a aucune urgence d’ici le 7 Mai !

Restant à votre disposition, je vous prie d’agréer, etc.

André Teissier du Cros

Président fondateur du Comité Bastille


[1] Les pays du peloton de tête de la pression fiscale sont la France, le Danemark, la Suède, l’Autriche, la Belgique et l’Italie.

[2] Vous savez très bien pourquoi ces deux pratiques sont au cœur de la plupart des délits d’initiés.

[3] Ce principe était par exemple recommandé par Peter Drucker dès les années 60 et ce célèbre management consultant américain d’origine autrichienne, catholique pratiquant, ne pouvait aucunement être accusé de socialisme rampant…