Hans Rosling m’a appris comment nos préjugés nous font prendre trop souvent la décision plus nuisible.

Je crois en savoir beaucoup (on me le reproche assez), mais la vraiment grande découverte de Hans Rosling m’a mise en joie parce que j’ai encore beaucoup appris en lisant son livre, déjà un best-seller, Factfulness : Les dix raisons pour lesquelles ça va mieux qu’on ne pense… Même si, cependant, je ne suis qu’à moitié d’accord!

Car sa découverte explique aujourd’hui pourquoi, comme l’explique si bien Jean-François Kahn dans Marianne du 8 Mars, les Français seront guidés comme par une main invisible à voter soit pour Emmanuel Macron soit pour Marine Le Pen aux prochaines présidentielles alors que notre grande majorité est politiquement socio-démocrate de centre-gauche, verte, opposée au néolibéralisme de l’un et au nationalisme de l’autre.

Hans Rosling a découvert, chiffres à l’appui, que les humains prennent des décisions mauvaises non pas parce qu’ils sont mal informés – ce qu’ils sont – mais parce qu’ils obéissent d’abord à leurs préjugés.

Voici comment il s’y est pris : Supposons – l’exemple est de moi -que vous faites partie d’un échantillon de mille hommes insuffisamment informés, et qu’on vous pose une question avec choix imposé de réponses du genre : Combien de femmes russes passent le Bac en 2018 : Autant que d’hommes ? [] Moitié moins? [] Dix pour cent de moins que les hommes ? [] (Cochez une case).

Si les mille individus de l’échantillon n’ont vraiment pas la moindre idée de la réponse, comme on offre trois réponses possibles, ils répondront au hasard. Un tiers d’entre eux donnera donc la bonne réponse. C’est ce que Rosling appelle la réponse des chimpanzés, qui ne comprennent pas la question et qui tapent au hasard sur le clavier.

Et bien ce n’est pas ce qui arrive. Moins d’un tiers, parfois beaucoup moins, donnera la bonne réponse. Parce que nos préjugés de mâles nous influenceront. Une autre question peut exciter nos préjugés de blancs ; de Français ; d’enseignants ; d’homophobes ; d’athées ; de musiciens ; et ainsi de suite. Mais préjugés toujours. Car Hans Rosling a également découvert que les experts répondront mal en raison de leurs préjugés d’experts, et que les journalistes répondront encore plus mal parce que leur métier les entraine à traiter un sujet du point de vue des préjugés de leurs lecteurs…

Et ainsi ce sont nos préjugés qui nous rendent moins intelligents que des chimpanzés. Saisissant, non ?

Et pourtant nous les aimons, nos préjugés. En matière de fiscalité, nos préjugés nous ont fait maintenir l’Impôt sur les Portes et fenêtres qui a sévi de 1797 à 1924 malgré les avis réguliers du corps médical sur son influence néfaste pour la santé, en particulier celle des enfants. 

Nous persistons à croire que pour taxer les riches il faut taxer les gros revenus, donnant ainsi plus de ressources aux paradis fiscaux qui permettent à ces revenus de payer moins, voire rien du tout. 

A croire que les migrants sont ceux qui trichent avec la Sécu et qui bénéficient les premiers de la protection sociale, alors que toutes les études menées par les diverses caisses de la Sécu prouvent exactement le contraire. 

A croire que c’est l’entreprise qui est le coupable principal causant les inégalités, alors qu’il y a en France plus de deux cent mille entreprises ayant plus d’un salarié permanent et qu’elles créent l’essentiel des nouveaux emplois, tandis qu’il n’y a que cinq cent entreprises françaises cotées en bourse, et que ce sont elles qui suppriment des emplois, qui aggravent les inégalités salariales, qui se servent de la privatisation des services publics pour en augmenter les prix et les profits et en diminuer les coûts surtout salariaux … Mais en attendant l’entreprise privée française est la plus taxée d’Europe.

A croire que nos enfants qui se tournent vers l’apprentissage seront des ratés et que c’est la faute de nos profs, que tous les Gilets Jaunes sont des chômeurs assistés qui en veulent encore plus …

A croire que tout le mal vient de trop de dépenses publiques, que tout est la faute des fonctionnaires, surtout de Bruxelles, …la liste est longue.

Et en effet, aveuglé par nos préjugés, nous en serons réduits à choisir entre Emmanuel Macron qui, en bon néolibéral, croit que si on taxe moins les riches ils vont investir et créer des emplois alors que ce sont les entrepreneurs et innovateurs qui, parfois, deviennent riches ; et Marine Le Pen qui croit que si on met les migrants dehors on va créer plus d’emplois pour les Français de souche alors que l’histoire et la géographie nous ont enseigné que c’est tout le contraire…

Mais de toute façon je vous recommande ce livre, cliquez ici !